Épigénétique, ou comment l’expérience de votre grand-mère marque vos gènes

L’épigénétique est une des plus grandes révolutions scientifiques de ces dernières années. Mais tout d’abord un rappel sur les gènes : ce sont des composants de notre ADN, dont nous héritons à la naissance et que nous transmettons à nos enfants.

La science qui s’occupe de leur étude porte le nom de génétique. Mais il existe une science qui va encore plus loin : elle s’appelle « épigénétique »  du grec ancien « épi » (au-dessus).

épigénétiqueElle étudie les différentes manières dont notre patrimoine génétique s’exprime en fonction du contexte. En d’autres mots, les changements que subit notre ADN selon les différents contextes.

Les gènes ne sont pas immuables

Les scientifiques ont cru pendant longtemps que les gènes étaient immuables, un héritage aux caractéristiques fixes.  Mais l’épigénétique a démontré que l’ADN peut connaître plusieurs modifications au cours de la vie.

Ces changements ont été d’abord constatés au stade embryonnaire : ainsi, le même œuf de tortue peut donner un mâle ou une femelle, selon la température extérieure. Ce type de phénomène épigénétique est constaté chez de nombreuses espèces animales.

Mais très vite, les scientifiques se sont aperçu que l’ADN se modifie même à l’âge adulte !

Ainsi, l’ADN peut être modifié au cours de notre vie selon notre alimentation ou selon l’action de certains médicaments par exemple. (D’où l’expression « nous sommes ce que nous mangeons » – elle est à prendre vraiment au sérieux).

Il s’agit plus précisément d’une modification chimique de l’ADN que les spécialistes appellent méthylation de l’ADN (l’action des ”groupements méthyle”, qui sont des composants organiques présents dans la structure de l’ADN).

Sans entrer dans les détails chimiques, disons simplement que ces groupements méthyles agissent en choisissant d’exacerber ou non certaines caractéristiques d’une molécule d’ADN.

Nos comportements modifient notre ADN

Mais depuis quelques années les scientifiques se sont également posés la question suivante :

Si des éléments chimiques peuvent induire une modification de l’ADN, est-ce qu’un événement traumatisant ou une source de stress pourrait également modifier notre ADN ?

Et est-ce que ces modifications seront transmises à nos enfants ?

En d’autres mots, est-ce que l’information d’un événement traumatique vécu par une personne peut se retrouver dans la structure ADN de son enfant qui, lui n’a pas vécu le même traumatisme ?

La réponse est OUI.

Les études ont démontré ainsi qu’une grand-mère ayant connu une famine au début du siècle par exemple a transmis cette information à ses petits-enfants qui ont pu développer des maladies alors qu’eux-mêmes n’ont jamais souffert de malnutrition !

Il ne s’agit là d’aucune forme de communication « à distance », aucun phénomène paranormal, mais simplement d’un phénomène chimique.

Un autre exemple : les femmes qui étaient enceintes pendant les événements du 11 septembre 2001 ont donné naissance à des enfants ayant un taux de cortisol plus élevé que les autres nouveau-nés. En d’autres mots, ces enfants héritaient d’un lourd  « bagage » d’hormone du stress (cortisol) alors qu’eux-mêmes n’avaient jamais été soumis à un stress important.

Les scientifiques parlent ainsi de transmission d’un traumatisme parental à l’enfant. Ils appellent cela des changements épigénétiques ou encore des « épimutations ».

Encore plus récemment, les experts ont démontré que ces phénomènes étaient en rapport directe avec les comportements et le psychisme : cela porte le nom d’épigénétique comportementale.

Voici une étude récente et particulièrement étonnante (publiée en 2014 par une équipe de chercheurs de l’Université de Zurich et repris dans le magazine « Nature neurosciences ») :

Cette étude effectuée en laboratoire sur des souris a démontré qu’un événement stressant vécu dans la petite enfance d’une souris laissait une empreinte sur sa descendance pendant au moins deux générations.épigénétique

Des petits souriceaux étaient séparées de leurs mères chaque jour, de manière imprévisible, répétée et à des heures arbitraires. Ces événements provoquaient un gros stress chez les mères mais aussi chez les petits.

Devenus adultes, ces souriceaux présentaient : des comportements différents par rapport à leurs congénères du même âge, une production différente de certaines molécules dans l’hippocampe, un comportement alimentaire différent, etc. Tout ceci constituait une sorte « d’empreinte biologique » de leur expérience.

Eh bien, ces souriceaux devenaient adultes et là, surprise : la descendance de ces souris « stressées » héritait de toutes ces caractéristiques alors qu’elle-même n’avait subi aucun stress ! Et ce, sur deux générations…

Important : ces modifications se transmettaient par la lignée maternelle aussi bien que paternelle.

Ce qui est extraordinaire c’est que ces modifications se répercutaient même si le petit de la 2ème ou de la 3ème génération n’avait eu aucun contact avec ses parents, ni avec ses grands-parents : il avait été  conçu par fécondation in vitro et n’avait jamais connu ses parents.

Cette conclusion est ahurissante : le stress subi par un grand parent modifie le comportement d’un petit qui ne l’a jamais connu !

Comment ce phénomène épigénétique pourrait-il se traduire chez l’homme ?

Les scientifiques sont encore prudents, car il est beaucoup plus difficile de démontrer ces conclusions chez les êtres humains.

Mais cela voudrait dire par exemple que si votre grand-père (ou grand-mère) a été victime de négligence parentale durant sa petite enfance et que cela a provoqué chez lui une dépression à l’âge adulte, vous-même pouvez hériter de cette tendance à la dépression, même si vos parents ont été exemplaires et qu’ils se sont toujours parfaitement occupés de vous !

Et même si vous n’avez jamais connu le grand-père ou la grand-mère en question…

Cela commence à remettre en question beaucoup d’approches thérapeutiques (y compris parmi les plus récentes thérapies).

Peut-être que dans un avenir pas si lointain, pour connaître les causes d’une maladie chez une personne, les médecins devront investiguer d’abord son passé et les événements vécus par ses parents et grands-parents…

 

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